Qu’est-ce qu’un seuil ? Un seuil c’est une limite financière à partir de laquelle les règles changent comme l’impôt sur le revenu des personnes physiques qui fonctionne par tranches différentes où l’imposition n’est pas la même.
Souvent ces tranches sont mal comprises. Des contribuables pensent qu’ils vont payer une imposition sur toute la somme précédent la limite de tranche juste parce qu’ils ont dépassé cette limite. Absolument pas. Par exemple, pour 2024 les revenus inférieurs à 10 064 € ne sont pas imposés. Une imposition est faite à 11 % uniquement sur la partie dépassant 10 064 €. Ce n’est pas parce que vous avez un euro supplémentaire que vous allez payer 11 % sur tous vos revenus, vous ne payerez 11 % que sur la somme au-delà de 10 024 €, c’est pareil pour les autres tranches.
Nous avons donc un niveau d’imposition qui change à chaque seuil sans influencer les montants précédents. Dans ce cas, la présence d’un seuil ne pose aucun problème puisque les changements sont discontinus mais progressifs. J’appellerai ces seuils des seuils de palier.
Il est des seuils au-delà desquels les règlementations changent. Par exemple, un auto-entrepreneur prestataire de service peut avoir ce statut jusqu’à 70 000 € de chiffre d’affaires. Au-delà, il retourne dans le statut commun à tous les entrepreneurs. L’auto-entrepreneur paye à l’État 25 % de son chiffre d’affaires au titre des impôts et des cotisations sociales. Ce statut lui permet de démarrer son activité sans être surchargé en cotisations et en impôts divers mais dès qu’il déborde d’un euro ce chiffre d’affaires, tout est différent. Il va payer des cotisations sociales et des impôts beaucoup plus importants, il va être imposé au réel. Ainsi, un auto-entrepreneur faisant un chiffre de 69 999 € fera une concurrence déloyale à une petite entreprise faisant un chiffre de 70 001 €. Cela constitue un seuil que j’appellerai un seuil de rupture.
C’est un vrai problème en France, nous avons des quantités d’aides, des niches fiscales, des règlements et des lois saturées en exceptions avec toutes un plafond pour y avoir droit.
À chaque fois qu’une nouvelle loi ou qu’un nouveau règlement sont émis, dans un but d’équité maximale, les lois sont adaptées à chaque petit cas particulier, avec des spécificités multiples et deviennent lourdes et difficiles à appliquer.
Prenons le cas des personnes avec de très faibles revenus, ils peuvent subvenir malgré tout à leurs besoins grâce au RSA, EDF à moitié prix, la C2S, les HLM, les restos du cœur, le Secours populaire et cetera. Mais dès que ces gens dépassent le plafond, on leur supprime toutes leurs aides. Dans ce cas, le seuil de rupture n’est pas seulement un problème d’équité mais aussi un problème économique. Ces aides coûtent cher à ceux qui travaillent pour les payer et plus vite les personnes nécessiteuses sortiront de leur situation d’assistés, moins elles coûteront à la collectivité. En effet, il s’agit dans ce cas d’un incitant à ne pas travailler ou à ne pas faire d’effort pour s’en sortir puisque s’ils s’en sortent, leur situation sera pire.
Il faut absolument dans notre pays supprimer tous les seuils de rupture et les remplacer par des seuils continus. Pour cela, il faut supprimer les niches réservées à une catégorie de la population. Si une aide est accordée, elle doit l’être à tous.
Reprenons le statut d’auto-entrepreneur. Pour la mise en place de ce statut il a fallu créer un site particulier pour ces personnes à statut particulier, des formulaires à remplir qu’ils soient papier ou informatiques, embaucher des fonctionnaires pour appliquer ce statut et d’autres pour contrôler les droits d’attribution de ce statut et les fraudes.
Il est quand même beaucoup plus simple d’attribuer ce statut à tout le monde jusqu’au plafond de 70 000 €.
Autre exemple, le RSA avec son seuil de rupture. Donnons le RSA à tout le monde ! La première fois que j’ai vu cette proposition, c’était dans le livre de Banerjee et Duflo, prix Nobel d’économie. J’ai été très interloqué. Comment cela, donner le RSA à tout le monde même à ceux qui ont beaucoup d’argent ? En fait il s’agit ni plus ni moins que de décaler les tranches d’imposition vers le bas et de les commencer non pas à zéro mais à – 700 par mois. Les personnes non imposables auront toutes 700 € par mois versés par l’État. Au fur et à mesure de l’augmentation des revenus et donc de l’imposition, ces 700 € diminueront progressivement jusqu’à arriver à zéro (ce qui implique une plus grande progressivité de l’impôt) pour finalement être imposable. Ensuite l’mpôt progressera en fonction des revenus.
En conclusion, une action prise en faveur d’une catégorie de la population doit toujours être considérée par rapport à l’ensemble de la population. Il faut absolument, dans un but d’équité et de développement économique, supprimer tous les seuils de rupture et les remplacer par des seuils continus.